Les
mères de famille portent leur dernier-né dans
un fichu attaché sur leur dos.Les jeunes mères
sont parfois ravissantes. Elles se coiffent les
cheveux d'une façon extraordinairement compliquée,
se divisant la chevelure en une infinité de petites
nattes décorativement réparties de chaque côté
du crâne, et reliées les unes aux autres par leur
extrémité. Elles adorent les tissus rouge foncé
et bleus. Comme toutes les sauvagesses du monde,
et d'ailleurs, ainsi que le font également les
femmes les plus civilisées, elle se couvrent de
bijoux et d'ornements.
Elles
semblent un peu plus occupées que les hommes.
Elles s'affairent à leur ménage. Ce dernier n'est
pas très difficile et si la hutte qu'elles habitent
en famille est parfois d'une netteté relative,
l'extérieur de la maison est le plus souvent d'une
saleté repoussante.
Le quartier indigène, malgré le vent du large,
en acquiert une savoureuse odeur, extrêmement
caractéristique , Madame fait-elle la cuisine?
La plupart du temps, c'est dans la rue, si bien
que les passants peuvent se rendre compte du menu
de chaque famille.
C'est
aux dames qu'il incombe d'aller quérir l'eau à
la fontaine. Elles y vont fans des bidons dessence
désaffectés, qu'elles trouvent bien plus séduisants
que les poteries de jadis.
Autour du robinet, elles font la lessive et leur
toilette, sépouillant mutuellement sur le
bord du trottoir.
Elles vont aussi chercher le bois pour la cuisine,
tissent des paniers, tannent des peaux de mouton
et de chèvre. Leurs occupations innombrables constituent
ainsi, pour le promeneur, un spectacle plein de
charme et d'intérêt.
Comme
les hommes elles adorent bavarder. Ont-elles quelque
loisir, c'est pour l'employer à faire la causette.
Elles ne vont pas au café. Mais leur lieu de rencontre
favori est la voie du chemin de fer d'Addis.
Elles s'assoient par groupes sur le ballast, mais
surtout ,sur les rails. qu'elles considèrent comme
le plus confortable des sièges. Et les langues
de marcher ! La locomotive est obligée de siffler
pendant de longues minutes et parfois de s'arrêter
pour ne pas écraser chaque jour ces peronnelles.
Elles sesclaffent sans vergogne, en senfuyant,
et quand le train est passé, reprennent leur place
et leur conversation.
GAETAN
FOUQUET Mer
Rouge 1946