La
grande fracture qui coupe le levant africain du
nord-est au centre-ouest détermine sur le territoire
éthiopien une longue dépression dont le caractère
volcanique est connu depuis longtemps. C'est la
rift-valley bordée de vieux cratères, de champs
de lave et de cailloutis basaltiques. Sur plusieurs
centaines de kilomètres, une succession de lacs
en occupe les parties basses du sud, entre Addis
Abeba et le Kenya. Plus au nord, le fleuve Awash
y faufile son cours jusqu'à ce qu'il se perde
dans les sables du désert dankali.
A
la latitude du TFAI, cette dépression se divise
en deux branches d'inégale importance. La première,
qui est aussi la plus importante s'élargit vers
le nord pour former la plaine du sel à la limite
du pays des Danakils et de l'Erythrée. C'est là
que s'ouvre la gueule de l'un des plus curieux
volcans de notre planète, le Erta-Alé, dont le
cratère plein à ras bord de laves bouillonnantes
a été filmé par l'équipe d'Haroun Tazieff. Plus
modeste, l'autre branche se dirige vers l'est
en méandres aberrants et disparaît dans les profondeurs
sous-marines des golfes de Tadjoura et d'Aden.
Cette portion, guère plus grande que deux départements
français, offre l'étrange spectacle des grands
bouleversements universels. A cheval sur la frontière
du TFAI et de l'Ethiopie, le lac Abbé pourrait
servir de décor à quelque film d'épouvante.*

Autrefois,
l'Awash se déversait ici, dans une cuvette d'origine
volcanique, un immense cratère sans doute, que
des milliers d'années d'alluvions apportées par
le fleuve avaient fini par combler, ou presque.
A la saison des pluies, les crues de l'Awash charriaient
des millions de mètres cubes de liquide boueux
mais l'évaporation d l'extraordinaire chaleur
des lieux finissait toujours par équilibrer le
trop-plein. Ces eaux sauvages regorgeaient de
poissons, de crocodiles, et les berges marécageuses
abritaient des troupes nombreuses d'hippopotames,
de phacochères et d'oiseaux aquatiques. Aveuglé
par le lac, le volcan toujours vivant, laissait
échapper des milliers de fumerolles en bulles
gigantesques qui agitaient les flots en permanence.
Ces gaz sous pression vomis par les entrailles
de la terre concrétionnaient tout autour de leurs
orifices les particules solides en suspension
dans les eaux, édifiant ainsi, à 150 mètres sous
la surface, des cheminées de stuc dressées comme
des candélabres.
